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«(...)
le pas fragile d'une époque
est mort
très doucement j'enserre ce suspendu
un enneigé amour si peu saisissable (...)»

Tes yeux et tes mains en poitrine palpitante

Dieu est mort sans douceur
durant le seul instant où je regardais ailleurs
depuis tu me traces
tu me traces sur un château de cartes
érigé en Espagne sur la lune ou en soleil bleu
en ruisseau lorsqu'à l'oreille du plancher
merveilleux cris disparus
je gémis de moignons
en savoir-vivre tu me traces en gravité en escalier
tu me traces chaque matin et encore tous les soirs
d'impassibles sourires en contraires de barricades
en poussière de cour en miette céleste
et mes chemins s'étoilent
Dieu est mort en douceur
là où tu l'as posé d'un regard aiguisé
tu m'entourais et partais sans ciller
sans ciller tu me traçais et je te regardais
tes yeux tes mains en poitrine palpitante
à éblouir les uns à lever les brouillards des autres
à offrir du miracle en si grande quantité que
lorsque l'on me dit
tes yeux et tes mains en poitrine palpitante
jamais ne reviendront
moi
jamais jamais je n'y croirai

© Marie Mélisou
© éditions ENCRES VIVES, collection Encres Blanches

 

Les longs mots sur les secondes du sable

Les longs mots sur les secondes du sable
il a effacé tous les jours de l'année
sur le sable de la plage pour en arriver là
il a réduit encore et encore
en cendres les cailloux
à tuer les longs mots sur les secondes du sable
puis a demandé pardon encore et encore
comme si le noir d'un très long corridor
où le sable de la plage n'a pas sa place
dont les portes fermées tiennent serrés le temps
la vie la respiration aussi
pouvait avancer sans brûler notre anéantissement
il a tué encore et encore
chaque lettre des longs mots
tout ceux nés d'amour sur les secondes du sable
puis accablé s'est frappé avec les grains
encore et encore comme se flagelle en punition
la grêle qui détruit l'ampleur du comprendre
il a gommé tous les jours de l'année
et les longs mots sur les secondes du sable
à néant il n'avance plus
sur la plage pas davantage
pourquoi un jour fait-on les choses
les choses en attente depuis si longtemps
à terme en saillie à l'heure nouvelle
comme passer en abscisse en ordonnée
d'un temps d'épices à un pas de velours arraché
ni longs mots ni secondes
même plus un seul grain de sable

© Marie Mélisou
http://www.ecrits-vains.com/global/auteurs/melisou/les_longs_mots.html

 

Épilogue cueilli

« Si un rêve finit par mourir
c'est que le rêveur l'aura fait mourir. »

il y a quelques jours
sur les rebonds des idées qui s'écroulaient
le pas fragile d'une époque
est mort
très doucement j'enserre ce suspendu
un enneigé amour si peu saisissable
et ma main repousse la terre à nulle haleine
une sorte de monstre à vif (devais-tu penser de moi)
une réserve de beauté épuisée fatiguée des seuls tenants
une clarté de touches contrastées d'embarras ambigus
un instant sauvé qui ne t'a pas offert l'identique
le pied à peine posé d'un temps
il est mort
peut-être un jour je l'affronterai de face
un mirage des feuilles dansées dans le soleil
regarde mes yeux grands ouverts
se parer d'un deuil lent et tremblé

© Marie Mélisou
http://www.ecrits-vains.com/global/auteurs/melisou/epilogue_cueilli.html

 

Rivière sèche

Pendant que nous roulions j'ai longuement marché parmi les bruns teintés au
vert de Grèce. Au milieu desquels les taches écumeuses roses et les
neigeuses blanches reflétaient mon délice d'avancer là. D'y avancer avec
toi. Ces oliviers, pruniers et amandiers s'en donnaient à cœur joie et je
bondissais en oubliant ces trop fréquents moments qui portent le dur des
jours.

Quelques champs aux ceps de vignes rangés, sur des lignes de fuites en
diagonales, m'offraient une vue miniature similaire à celle d'une élancée
forêt de peupliers. J'aime ces perspectives. Et je t'aimais ce matin-là.
Mais tu me repoussais. Je ne promenais pas grand chose pourtant, une envie
de prendre ta main, un désir de la porter à mes lèvres, la simplicité de
savourer un maintenant et aussi, l'écho de ces mots espagnols que tu venais
de chuchoter, « un rio seco »

C'était moi. Une rivière sèche. Tu décrivais ma bouche, vieillie avant
l'âge, vieillie de ne plus servir. Rivière sèche. Fulgurance d'une lugubre
ressemblance. Quelques traînées d'humidité sur le haut d'un clair de
visage, pas de salive, de larmes sur mes yeux, et un sourire plaqué, pour
l'apparat de l'apparence, sur cette bouche tarie en rivière sèche.

Comment brusquer l'apparition des idées à se dresser debout ? A situer
l'important ? A ne plus redouter la peur d'être seul avec soi ? Je restais
des jours entiers sur des pleurs. Gouffres qui abîmaient mes heures et mes
regards. Si des acrimonies fielleuses à luttes secrètes baissaient le
soleil et jonglaient avec la nuit, toujours je tentais de tendre à moi-même
des mots salvateurs. A perte de vue, à espoirs fous, des mots à arroser le
temps, à donner un cours aux eaux en suspend. Hélas, ils se perdaient sans
transporter d'écho. Parce qu'existait l'image d'une rivière sèche.

Rivière sèche, en rythme endiablé d'un néon acide, en chant menaçant, en
intérieur hybride, je vivais déguisée par cette trace obscène, par cette
pesanteur qui débitait le dur et le brusque tatoué sur ce qui n'était que
l'apparence de moi.

Toujours ce sourire plaqué pour l'encore apparat de l'apparence où tu
m'avais jetée en aridité.

Rivière sèche, sans vœu d'abstinence une bouche anhydre survivait à un
temps sans baisers. Rivière sèche, lentement se brossait le difficile
équilibre entre le rien à supporter et le tout tant désiré. Rivière sèche,
difficulté minable de s'interdire à laisser hurler la bête. Rivière sèche,
aussi peu profonde que le monde était proche ou lointain. Rivière sèche, la
fantaisie d'un jeu de massacre où le rêvé n'était plus jamais enivrée.

Je ne roulais plus. Ne reflétais rien. Ne bondissais pas... Pourtant,
j'acceptais de porter ce désarroi car le printemps, qui a des prétentions
et se place sous le signe du rocambolesque, riait fort de ma trajectoire et
gazouillait qu'il est des raisons profondes où certaines broutilles
s'appliquent à révéler des desseins mystérieux. Et je prenais son chant
pour une promesse

© Marie Mélisou
http://www.ecrits-vains.com/global/auteurs/melisou/riviere_seche.html

 

Galop gravité

morte plusieurs fois comme vous
aujourd'hui odieuse
j'ai oublié
d'abaisser mon pont-levis
de libérer les galops des grands rires
alors viennent choir les malheurs
lamentations vastes et noires
et autres ampoules éteintes
mais vivante toujours comme vous
par la fenêtre vient d'entrer votre sourire
il vole splendidement
et me brille

© Marie Mélisou
http://www.ecrits-vains.com/editoriaux/marie_melisou/1.htm

 

   
   
   
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