Pendant que nous
roulions j'ai longuement marché parmi les bruns teintés
au
vert de Grèce. Au milieu desquels les taches écumeuses
roses et les
neigeuses blanches reflétaient mon délice d'avancer là.
D'y avancer avec
toi. Ces oliviers, pruniers et amandiers s'en donnaient à cœur
joie et je
bondissais en oubliant ces trop fréquents moments qui portent
le dur des
jours.
Quelques champs
aux ceps de vignes rangés, sur des lignes de fuites en
diagonales, m'offraient une vue miniature similaire à celle d'une
élancée
forêt de peupliers. J'aime ces perspectives. Et je t'aimais ce
matin-là.
Mais tu me repoussais. Je ne promenais pas grand chose pourtant, une
envie
de prendre ta main, un désir de la porter à mes lèvres,
la simplicité de
savourer un maintenant et aussi, l'écho de ces mots espagnols
que tu venais
de chuchoter, « un rio seco »
C'était
moi. Une rivière sèche. Tu décrivais ma bouche,
vieillie avant
l'âge, vieillie de ne plus servir. Rivière sèche.
Fulgurance d'une lugubre
ressemblance. Quelques traînées d'humidité sur le
haut d'un clair de
visage, pas de salive, de larmes sur mes yeux, et un sourire plaqué,
pour
l'apparat de l'apparence, sur cette bouche tarie en rivière sèche.
Comment brusquer
l'apparition des idées à se dresser debout ? A situer
l'important ? A ne plus redouter la peur d'être seul avec soi
? Je restais
des jours entiers sur des pleurs. Gouffres qui abîmaient mes heures
et mes
regards. Si des acrimonies fielleuses à luttes secrètes
baissaient le
soleil et jonglaient avec la nuit, toujours je tentais de tendre à
moi-même
des mots salvateurs. A perte de vue, à espoirs fous, des mots
à arroser le
temps, à donner un cours aux eaux en suspend. Hélas, ils
se perdaient sans
transporter d'écho. Parce qu'existait l'image d'une rivière
sèche.
Rivière sèche,
en rythme endiablé d'un néon acide, en chant menaçant,
en
intérieur hybride, je vivais déguisée par cette
trace obscène, par cette
pesanteur qui débitait le dur et le brusque tatoué sur
ce qui n'était que
l'apparence de moi.
Toujours ce sourire
plaqué pour l'encore apparat de l'apparence où tu
m'avais jetée en aridité.
Rivière sèche,
sans vœu d'abstinence une bouche anhydre survivait à un
temps sans baisers. Rivière sèche, lentement se brossait
le difficile
équilibre entre le rien à supporter et le tout tant désiré.
Rivière sèche,
difficulté minable de s'interdire à laisser hurler la
bête. Rivière sèche,
aussi peu profonde que le monde était proche ou lointain. Rivière
sèche, la
fantaisie d'un jeu de massacre où le rêvé n'était
plus jamais enivrée.
Je ne roulais plus.
Ne reflétais rien. Ne bondissais pas... Pourtant,
j'acceptais de porter ce désarroi car le printemps, qui a des
prétentions
et se place sous le signe du rocambolesque, riait fort de ma trajectoire
et
gazouillait qu'il est des raisons profondes où certaines broutilles
s'appliquent à révéler des desseins mystérieux.
Et je prenais son chant
pour une promesse
© Marie Mélisou
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