Une interview afin de partager mes questionnements,
mes pensées, mes doutes ou mes opinions,
sur la Littérature de Jeunesse.
Pour les enfants accompagnés de leur professeur des écoles,
pour vous les « grands », enseignants, documentalistes,
libraires, éditeurs qui préparez notre rencontre,
parents ou curieux qui visitez ce site…
Marie, quel rapport aux livres avais-tu lorsque tu étais une enfant ?
J'ai emprunté un long chemin pour parvenir jusqu'à l'écriture.
J'étais une boulimique de lecture. Dès que j’ai su lire, impossible de compter le nombre de fois où mes parents, furieux d’être encore réveillés au milieu de la nuit par ma lumière, re-débarquaient dans ma chambre pour réclamer encore que j’éteigne, pose mon livre et dorme !
Et à écrire ?
Lire et écrire, obscurément, étaient déjà indissociables.
J’aimais les cahiers où je commençais à écrire des histoires…que je ne finissais pas souvent.
Ou alors, je recopiais des chapitres de romans pour le plaisir de les posséder en écriture manuscrite, comme si j’avais détenu l’original écrit par l’auteur, j’avais des notions floues du métier d’écrivain ! Je ne crois pas avoir songé que ça pouvait exister, « un auteur vivant »… Nous n’avions pas la chance d’en rencontrer dans nos écoles, comme à l’heure actuelle. Ce n’était tout simplement pas un « métier » possible pour plus tard.
Peux-tu nous dire quel chemin tu as emprunté pour parvenir à l’écriture ?
Mi-sentier tortueux de montagne, pour les cabris corses !
Mi-longue route droite, évidente toutefois semée d’embûches !
J’ai d’abord passé un bac option Arts Plastiques, j’ai étudié la déco plane et d’intérieur, aux Beaux-Arts de Toulouse. Et je suis entrée à la Manufacture des Gobelins à Paris. J’ai tissé plusieurs années des tapisseries en Haute-Lisse d’après des dessins d’artistes célèbres ou je tissais mes tapisseries d’après mes propres cartons (dessins) chez moi.
Un métier où les doigts travaillent, où l’esprit s’échappe sans cesse pour rêver.
Je continuais de lire, de lire, lire, mais j’avais un peu oublié l’écriture.
J’ai eu trois enfants (merveilleux, formidables, beaux, évidemment !). J’ai connu le plaisir de leur acheter des livres, de leur raconter des histoires. Petit à petit, soir après soir, j’ai découvert la Littérature de Jeunesse contemporaine, je m’y suis immergée grâce à mes enfants.
Et aussi, parce qu’un écrivain jeunesse, avec lequel je correspondais, m’a encouragé à écrire.
Tu es donc une autodidacte ?
Oui. Je suis autodidacte.
Dès que j’ai écrit, un vrai robinet ouvert ! Au début, les mots sortaient comme des sanglots inarticulés, maladroits… Il a fallu que j’apprenne à les organiser. J’ai travaillé comme une forcenée, longtemps, avec application, en lisant et écrivant énormément. Pour revenir à l’orthographe, aux paragraphes, aux chapitres, aux histoires que l’on arrive à finir, qui se tiennent comme le squelette tient le corps debout. Et maîtriser en mots toute la gamme des émotions représentées, pour tous les genres de littératures qui m’intéressent.
Voilà douze ans que j’écris, plusieurs heures par jour, que je m’y tiens, que ça me porte et me transporte. J’écris : je respire. Je n’ai pas le temps : je fane.
Tu nous donnes quelques chiffres ?
Une grosse centaine de textes écrits, je fête mon trentième roman publié (souvent chez plusieurs éditeurs…) D’autres romans sont en gestation ou commandés pour les années à venir...
Des tas d’idées couvent, tandis que mes enfants grandissent et continuent de m’inspirer.
J’aime récolter mes futurs écrits par tous les temps et partout : souvenirs, impressions, actualité, faits de société, enfants que je croise ( et ceux que j’épie dans les écoles à leur insu !), listes de prénoms que je collectionne…
Les détails à partager débordent, les idées de romans sociaux, psychologiques, intimistes, tendres,de mœurs, d’aventures, d’amour, d’amitié, m’habitent quasiment tout le temps. J’ai plus d’idées de romans que de temps d’horloge pour les poser sur mon clavier ou mes cahiers. Je réclame des journées de 72 heures !
Une chose est certaine, j’adore écrire et le partager avec mes lecteurs, des jeunes enfants en passant par les adolescents jusqu’aux adultes…
Comment naît l’idée d’un roman ?
De façon très variable. Autant d’idées que de romans, et inversement, autant de romans nés d’idées différentes. Il m’arrive d’attaquer le premier chapitre et le reste naît sous mes doigts. Il m’arrive d’écrire un synopsis (de le suivre ou non, ensuite). Il m’arrive d’avoir une idée de titre, et je fonce. Ou, un ou deux héros naissent et c’est parti. Enfin, un thème me tient à cœur, et je cherche comment le traiter au mieux, sous un angle neuf.
Chaque roman né est une histoire différente, un petit roman à raconter sur le roman lui-même ! (j’en dis quelques mots sur la page « romans » après mes 4ème de couverture).
Comme le fil directeur de mon écriture est un travail sur plus de dix ans sur les différences ou les similitudes, mes romans naissent souvent de sentiments d’injustices, de raisons à dénoncer, de sujets sensibles que je souhaite traiter, ou de thèmes un peu oubliés.
La poésie trouve-t-elle sa place dans un monde où la finance écrase la créativité ?
Un immense OUI. Sourire… Dans ma strate d’intérêts.
A mon sens, la créativité ne se sent pas écrasée, elle se sent pauvre.
Si la Littérature de Jeunesse paye peu, la poésie ne paye rien, ne rapporte rien, sinon un grand plaisir, des petits bonheurs et des rencontres merveilleuses.
Les gens écrivent, lisent de la poésie sur Internet. C’est un endroit où elle est vivante. Même parmi les jeunes, ils écrivent des citations ou copient-collent des poèmes sur leurs blogs.
Par contre les revues papiers ont davantage de mal à fidéliser un lectorat. Pour les recueils, autres que scolaires, le pourcentage des ventes est infime.
Mais à l’heure actuelle, la poésie « écrite » et tricotée à l’ancienne (vers) est conjuguée de bien d’autres façons au quotidien. Des chanteurs à textes, ou le slam, avec Juliette, Bénabar, La Rue Kétanou, Grand Corps Malade et tant d’autres, véhiculent une poésie ordinaire extraordinaire.
L’écriture apporte-t-elle une certaine sérénité dans un monde qui part dans tous les sens pour n’arriver nulle part ?
Oui et non, pour la sérénité.
Oui et non pour ce monde qui partirait dans tous les sens. Je m’explique : en France, nous ne vivons pas dans la pire époque qui soit. L’accès aux soins, la longévité, une période sans guerre, une mortalité infantile réduite, des vaccins, de l’eau potable… même si les OGM, les accidents de centrales nous menacent, l’Histoire nous rapporte pire. Mais il faut regarder plus loin que notre hexagone. La planète va mal. Dans le monde, il y a des désastres terribles, et là, la sérénité fout le camp !
Non, en écrivant, en étant une éponge qui absorbe les événements du monde, il ne peut y avoir de sérénité. C’est plutôt l’affolement, la peur, se sentir touchée, agressée, préoccupée et le désir de savoir comment mettre sa petite pierre sur le cairn commun, qui domine.
Sauf, lorsqu’un roman (publié) est né sur un sujet qui dénonce, qui fait avancer un petit peu les choses, oui, un sentiment de sérénité peut être ressenti.
L'importance de l'écriture, ou écrire t'est-il important ?
Important, voire vital.
L’écriture est la respiration, ma respiration, une nécessité absolue.
Lorsque j’écris, je parle de moi, d’un vrai moi, d’un moi de fiction, souhaité, rêvé, amusant ou détesté. Ce que je ne serais jamais, ce que je ne vivrais jamais, sauf à travers mon héros en papier. C’est merveilleux de pouvoir endosser tous les rôles.
Je règle des comptes avec la vie, les omissions, la fragilité, la sensibilité, les faiblesses.
Je soulève des tonnes de questions, je m’attache aux personnages, aux situations, aux lieux.
J’utilise mon cerveau, mon cœur, mon corps.
Je me mets sur la sellette, je me mets en danger.
Je désire, je donne, j’offre, je me vulnérabilise.
J’utilise les multiples facettes de l’humain, en explorant les différences, les travers redoutables.
Je reçois des coups de poing dans le ventre, j’en donne.
J’en découds avec le manque originel, de la brutalité de la vie, de la férocité des accidents, de l’arrogance incroyable des larmes à écraser.
Je déballe les pans entiers d’êtres qui sont cadenassés, en survie.
Je déguste, me délecte, me grise de spectres encombrants ou non.
Je roucoule d’émotion.
Heureusement, je ne suis pas touchée par une quelconque impression d’éternité.
J’appelle ou je refoule la solitude.
Je voudrais dire l'essentiel avec finesse, sans le nommer ni le montrer du doigt.
La peur me galvanise, me tétanise, ponctuée de brusques irruptions dans le réel.
Je joue de la régularité, de la routine qui peut angoisser.
Je veux faire passer l’amour des autres avant tout autre besoin.
Je cherche ou relaxe le grand amour, tragiquement, tendrement.
J’examine la liberté de jugement, d’analyse, de conscience et la remise en question, la désobéissance quand il le faut.
L’amitié et l’amour deviennent une demeure.
Je cherche ma place et voudrais laisser au lecteur la latitude de trouver la sienne.
Je suis sûre de savoir pour qui j’écris, pour quelle tranche d’âge.
A qui, plus en devenir que les enfants ou les adolescents, pourrais-je m’adresser ?
Et je m’alimente de mes lectures.
La diversité et le plaisir pur de la lecture.
La lecture et ses clés nécessaires pour déchiffrer ce qui nous entoure,
Donc, question suivante et évidente, : l'importance de la lecture, ou lire t'est-il important ?
Peut-il y avoir écriture sans qu’il y ait eu, en amont, l’amour de la lecture ?
Je ne crois pas.
Sans doute parce que je suis une lectrice boulimique.
J’aime le livre, l’objet, les livres, toutes les sortes de livres, surtout les romans en pavés, les recueils de nouvelles ou de poèmes. Ils envahissent mes murs, le sol, les bureaux, toutes étagères et pièces de la manière la plus protectrice, la plus rassurante qui soit.
Ils sont mon or, ma cassette, ma richesse.
Il existe un rapport charnel avec les livres. J’ai le besoin de les posséder, de les lire, de les regarder, de les relire, de les prêter, de les partager, de les couver des yeux quand ils réintègrent mon univers.
J’en ai volé un, un jour.
J’étais jeune adulte et je trouvais devant une étagère dans un grenier, chez des amis. Sur un rayonnage, là, à portée de main, j’ai reconnu MON premier livre. C’était lui, j’en étais certaine. Celui que ma mère m’avait acheté à Bastia, à presque six ans. Je l’avais lu, relu, tant de fois. Les malheurs de Sophie, par la Comtesse de Ségur, Editions des Deux Coqs d’Or, 1967, 9, 5 cm par 13, 240 pages.
Sans me consulter, des années auparavant, ma mère avait donné des livres, des jouets et des vêtements. Il faisait partie du lot. J’avais eu du chagrin.
Dans ce grenier, j’ai entrouvert la couverture pour lire ce qui n’était qu’une confirmation…
Emotion. Mon nom et mon prénom étaient bien écris à l’encre bleue.
Ils avaient été rayés et d’autres se trouvaient inscris au-dessous.
C’était mon livre.
Je ne l’avais jamais donné. Je l’ai donc repris. La conscience presque tranquille puisque je savais que celle à qui il avait appartenu après moi n’aimait, hélas, pas les livres !
Il est toujours dans mon cartable. Je le montre aux enfants pendant nos rencontres scolaires.
Mon premier livre, suivi ensuite de milliers d’autres.
Dans mon cartable d’écrivain, il voisine avec une rédaction que j’aime bien, écrite en cinquième, d’une toute petite écriture pointue et corrigée par madame J. mon professeur de l’époque qui m’a tant offert sur cette route d’amour de la lecture et de l’écriture.
Si madame J. n’avait pas bordée mon adolescence de Dickens, Hugo, Steinbeck, Hemingway, London, Vian, Barjavel, Mauriac, Bazin, et tant d’autres, serais-je la même ?
Non. Assurément non.
Plus tard, je me suis rendue dans des villes plus ou moins lointaines du globe sur la foi de descriptions romanesques qui m’avaient enthousiasmée.
Plus tard encore, lorsque ma plus jeune fille a été en C.P. j’ai observé son attirance pour la lecture à portée de sa main. La découverte très proche et magique des lettres qui allaient s’assembler pour « dire ». Mais soudain, ce frein incompréhensible pour elle, il lui était impossible de franchir définitivement le gué. Le gué après lequel on n’est plus jamais le/la même. Lorsque ces gris-gris noirs sur fond blanc prennent sens. Un blocage. Et, comment par hasard, au fil de mes questions, elle est arrivée à exprimer cette angoisse de grandir :
« — Si je sais lire, tu me liras encore des histoires ou c’est fini pour toujours-toujours ?
— Non ! Bien sûr que je te lirai encore des histoires ! Des histoires à croire. Des histoires à rire. Des histoires à frémir. Des histoires à tendresse. Des histoires à réfléchir. Des histoires écrites uniquement pour toi, que nous lirons ensemble ! »
Je le dis en Grande Section, je le dis au C.P., n'ayons pas peur d’apprendre à lire, le plaisir de partager existera encore. Longtemps.
Les jeunes lisent-ils encore ?
Justement, « Pourquoi lire ? », « A quoi ça sert de lire ? », « Je n’aime pas lire », « On n’a pas le temps », me demandent des adolescents.
Lire est-il encore d’actualité ?
Nos « lecteurs » pensent télé. Ordinateur. MSN. Textos. MP3. B.D.
Ils raisonnent « pas le temps » ou « le bouquin obligatoire de français, c’est bien suffisant ».
Les échanges de l'information mondiale nous perturbent. Trop de drames, de guerres, d’accidents, déboulent des chaînes télévisuelles ou radiophoniques.
Dans les années 50, Einstein l’avait prédit : au XXIème siècle, les hommes auront trop de difficultés à gérer l’instantanéité de la masse des informations qui arriveront de tous les pays du globe.
Une partie des enfants des catégories socioprofessionnelles favorisés lisent.
Pour les autres, nous nous battons pour aller les dénicher…
Lire, se poser, plutôt qu’écouter et zapper, permet de se recentrer, de se ressourcer.
Je répète aux enfants des écoles ou des collèges dans lesquels j’interviens qu’il faut sortir -essayer de sortir - des rails du seul système primaire de pensées.
Ces rails faciles sur lesquels des médias de proximité veulent mettre les malléables et jeunes consommateurs.
On voudrait nous programmer pour une efficacité à court terme, une accélération effrénée des technologies.
On se demande même si l’ambiance anxiogène n’est pas programmée, entretenue, pour mieux nous réduire en esclavage « A 20 h, branchez-vous sur TF1, M6 ou Skyrock…, vous n’aurez plus besoin de penser ! »
A l’inverse, soyez critiques !
Soyez rebelles, non formatés par la tété réalité, les logiciels guerriers et une unique sorte de BD que vous consentez à lire.
« Lire rend libre », soyez libres.
Et sauf tendance trop marquée à la solitude, lis, lisons, lisez.
Oui, les jeunes lisent, car ils n’ont jamais eu autant d’éditeurs, autant de collections, autant de livres variés et beaux à leur disposition.
Après, mais c’est un autre sujet, la vie d’un livre est de plus en plus courte.
Dans les classes où je passe, c’est le leitmotiv que je transporte avec moi, je lis pour vous, lisons ensemble, lisez ensuite… Fréquentez les bibliothèques, prêtez-vous les livres entre vous, autant d’arrangements, de partages qui font circuler les livres.
Régalez-vous, vautrez-vous dans les histoires écrites pour vous, il en restera toujours quelque chose, du bonheur, de la joie, du savoir, de l’ouverture d’esprit, des émotions de toutes les couleurs et des connaissances de toutes les façons.
Lis, lisons, lisez, vous êtes importants, vous, les enfants, puisque vous êtes les prochains adultes, ceux qui demain penseront, travailleront, décideront.
Un ami médecin me racontait qu’il lui arrive bien souvent d’aller en visite dans des cités. D’entrer dans des appartements vides de livres, sans une feuille de papier, sans stylo. Au moment de signer la feuille de Sécu, un des parents réclame à son enfant : « Ouvre ta trousse, prête ton stylo de l’école au docteur… »
Il ne faut pas oublier que le livre n’a pas un sofa, une étagère, une trouée, des yeux et un cœur qui l'attendent partout.
Je n’oublie jamais que lire est un luxe pour certains.
Acheter un livre est considéré dans beaucoup de foyers comme une dépense fastueuse. Un geste inhabituel, extraordinaire, impensable.
Doit-on y penser lorsqu’on écrit ?
Il faut s’y préparer lorsqu’on travaille dans les écoles et les collèges de quartiers dits défavorisés.
J’aime rencontrer des enfants lecteurs, membres de clubs, de jurys, amateurs de librairies.
J’aime aussi, peut-être surtout, rencontrer des enfants qui ne lisent pas.
Qui ne sont jamais entrés dans un magasin où « l’on vend des livres »… « Que des livres ? Ca existe, madame ? Pourquoi faire ? »
Qui restent stupéfaits devant l’histoire de la chaîne du livre.
Qui continuent de croire que je fabrique chaque livre un par un, sur la table de ma cuisine.
Qui n’arrivent pas à comprendre pourquoi j’écris si je ne gagne pas autant que Zidane.
Qui viennent au rendez-vous d’un petit salon de quartier qui suit une intervention pour échanger des sourires, pour qu’on parle, jamais pour acheter un livre.
Je recommence à dire l’amour, à expliquer la passion, encore, encore.
Quelle passion ! La lecture serait donc tellement liée à l’écriture ? Explique-nous cela ?
La lecture, l’écriture, deux ouvertures. Deux libertés.
L’écriture, la lecture, la liberté. Inextricables.
Il est des livres travail, des livres détente, des livres plaisir, des livres rapides, lents, …
Il est des livres chemin.
Un livre chemin est un livre duquel on ne ressort pas indemne.
Je peux tomber dans ses phrases par hasard.
Mais le plus souvent, il m’est chaudement recommandé par un(e) ami(e).
Je le dévore d’un trait, soif de cet absolu soudain mis en lumière, passionnant, qui ne saurait souffrir aucune rupture de rythme.
Ou bien, je le lis lentement en cornant, notant, m’imprégnant, en m’y retournant, tant je m’y retrouve, tant je m’y découvre. Tant son auteur a écrit exactement ce que j’ai besoin d’entendre. Ce que je n’ai jamais lu ailleurs. Ce que l’on n’aurait pas su mieux dire. Ce que j’aurais tellement aimé savoir écrire moi-même. Ce qui est l’adéquation mots précis-précieux + moment transparent + force de frappe + réceptivité maximale.
Ce qui résulte de la lecture d’un livre chemin est délicat.
Je peux, on peut, être transformé(e, s) à tout jamais.
Un livre chemin me transporte du point A au point C, bluffée d’être passée par B sans rien avoir vu venir, sans la souvenance de l’effort fourni ou son inverse, ma soudaine facilité de compréhension.
En livres « jeunesse », me viennent à l’esprit des tas d’auteurs qui écrivent pour tous les cycles, tous les âges, chez de multiples éditeurs… Marie-Aude Murail, Marie Desplechin, Anne Fine, Brigitte Smadja, Grégoire Solotareff, Pierre Bottero, Christian Grenier, Hélène Montardre, Jean-Luc Luciani, Annie Jay, Anne Letuffe, Marie Diaz, et tant de centaines d’autres… Leurs ouvrages, ciselés avec une précision d’orfèvre, touchent fort et touchent juste.
Ecriture jeunesse ? Allons, on s’y retrouve à tout âge !
Coté « adultes » (quel clivage !), beaucoup d’émotions aussi. Quel bonheur de voir Le Clézio prix Nobel ! Philippe Djian, Anne Fine, Jonathan Coe, Gilbert Sinoué, Jean-Christophe Rufin, Stephen Mac Cauley, Agnès Desarthe, Pascal Quinard, Tpm Sharpe, Amin Maalouf, Raymond Carver, Romain Gary, John Irving, Alessandro Bariccio, Tracy Chevalier, Laurence Cossé, Ian McErwan, Marcus Malte, pour ne citer que ceux-là, sans compter les classiques qui sont nos fondamentaux…
Je me souviens d’il y a quelques années, des émotions éprouvées en découvrant l’écriture de René Frégni. À ma grande joie, j’ai pu côtoyer René en faisant travailler les élèves des Bouches-du-Rhône pour Le printemps du livre de Cassis. Plonger dans son univers, c’est accepter les émotions fortes. C’est accepter les odeurs méditerranéennes, les douceurs ou les cruautés liées à la mère ou la fille souvent, à l’amoureuse toujours, les violences de la vie, les sons, les sensations tellement poétiques que je me suis sentie Icare s’approchant du soleil. Avais-je les ailes nécessaires pour affronter René ? Allais-je me consumer ? Allais-je tomber douloureusement ? Non, rien de tout cela, René avait tout prévu. Sous la stridulation des cigales, sous le bleu-bleu, très bleu, rythmé dans ses phrases, il m’a emmenée loin, avec charme, dans ses livres chemin.
Amoureuse de l’amour, je rencontre, dans des livres chemin, des sentiments connus. J’entre dans le miroir non déformant où je mire ce que je pense ou crois être l’aboutissement vers lequel je tends.
Des livres chemin, j’en désire autant que des jours et des nuits.
Je les espère.
Tous les jours, je continue.
J’avance. A mon rythme.
Alors je le répète, encore et encore, aux enfants, aux adolescents : Pas d’inaction, passons à l’action, je lis pour vous, lisons ensemble, lisez ensuite…
Régalez-vous, changez de dimension, vautrez-vous dans les histoires écrites pour vous, il en restera toujours quelque chose, du bonheur, de la joie, du savoir, de l’ouverture d’esprit, des émotions et des connaissances de toutes les façons.
Lis, lisons, lisez, vous êtes importants, vous, les enfants, puisque vous êtes les prochains adultes, ceux qui demain penseront le monde, travailleront à mieux faire, décideront de ce qu’il adviendra.
Merci, Marie.
Merci à toi, Christian.
Interview de Christian MORETTO
Correspondant pour le quotidien La Dépêche du Midi
Chroniqueur pour le journal éco-citoyen Human & Terre
Animateur radio de « Transversale », sur radio Mon Païs (90.1 FM)